Yolanda avait mal dormi. Elle n’avait cessé de penser à sa conversation d’il y a une semaine avec Jonathan, lorsqu’elle s’était retrouvée dans son Manoir, à Londres. La surprise, le dégoût et la stupéfaction s’étaient mêlés en elle, et maintenant encore elle ressentait toujours les effets de cette étrange nouvelle. Elle n’avait pas revu Jonathan depuis dix ans, mais il revenait pour lui informer que… sa fille était fiancée, bientôt mariée, déjà enceinte.
La sorcière soupira. Elle n’aimait pas Poudlard, elle n’aimait pas ses élèves, ses collègues, et ces couloirs et pièces maudits qui lui rappelaient des souvenirs affreux et déroutants. Elle n’aimait pas Poudlard, que tant d’autres, élèves comme professeurs, prenaient l’endroit comme une seconde maison, un lieu divin autant que chaleureux. Elle n’aimait pas Poudlard, pourtant. Il s’y dégageait une aura étrange qui semblait sans cesse lui rappeler qu’ici n’était pas sa place. Qu’elle était haïe, ici comme partout ailleurs. Et le parfum de souvenirs abominables ne cessait de la hanter, toujours plus.
Elle ouvrit les fenêtres de ses appartements et glissa un regard au dehors. Aujourd’hui, en cette magnifique journée qui annonçait la matinée prometteuse, on se serait presque cru au moins d’avril. Pourtant, la neige à peine fondue et la petite brise froide démontraient bien le contraire, narguant le soleil précoce. Yolanda Yeabow soupira et commença à se préparer.
Elle vivait à Poudlard depuis une bonne trentaine d’année, et se lever vers huit heures n’était pas un calvaire pour elle. On s’habitue aux horaires, et Yolanda Yeabow aimait se lever tôt. Elle appréciait également le confort fastidieux de ses appartements, le seul lieu qu’elle sentait bien à elle dans le château.
Quelles classes avait-elle donc ce matin ? A vrai dire, cela lui était totalement sorti de l’esprit mais il lui suffit de retrouver la pile de copies sur son bureau pour se remémorer la veille. Elle avait mis plusieurs T, et une bonne partie avaient été marqués de « Désolant ». Elle n’était pas réputée pour noter gentiment. La sorcière avait également pris un peu de temps afin de préparer son cours du lendemain. Avec un soupir, elle fourra le tas dans son sac, prit encore un peu de temps, puis se dirigea dans les couloirs de Poudlard.
***
Yolanda Yeabow se déplaçait dans les couloirs avec fluidités et simplicités. Elle les connaissait tous, dans leurs moindres recoins, dans les moindres tableaux. Pourtant, jamais elle n’en était venue à aimer la moindre salle.
Il lui restait une vingtaines de minutes avant son premier cours de la journée. Ce n’était pas la peine de se dépêcher.
C’est alors qu’elle plissa les yeux et remarqua une forme obscure qui barrait le couloir. Trop âgé pour être un élève, c’était un professeur. D’apparence asiatique, le visage jeune et inexpérimenté, elle le reconnut bien vite. C’était le nouveau professeur de métamorphose, celui qui venait d’arriver. Il semblait légèrement déprimer – une raison très banale sans doute. Assis sur le sol, il poussa un gémissement étrange et inaudible. Ainsi positionné, il lui barrait la route.
Lorsque Yolanda arriva à sa hauteur, elle lui lança, accompagnant ses paroles d’un regard teinté de mépris et d’empressement :
«