Le plus dur, quand on a peur, c’est de ne pas le montrer. J'avais réussi à me faufiler dans le barrage d'aurors. J'avais réussi à ne pas me faire prendre. Tout ne tenait qu'à un fil. Depuis la disparition de Dashwood, les élèves n'étaient plus libres. Surveillés, encadrés, accompagnés, il était rare de pouvoir se déplacer seul dans le château. Chacun de nos gestes, chacun de nos mouvements était épié et contrôlé. Peut-être qu'ils nous protégeaient d'une menace. Mais qui nous protégeait d'eux ? Il n'était pas dans ma nature d'accorder ma confiance à n'importe qui. Et, dans ce contexte, il était difficile de l'accorder à qui que ce soit.

La lumière projetée par mon lumos s’affaiblissait de plus en plus, et je n’étais qu’au troisième étage. Dans quelques secondes, je n’y verrai plus rien. C’est étrange, comme tout peut changer en si peu de temps. La lumière s’affaiblit, et finit par s’éteindre. Le corps des inferi se fond dans la pierre grise et immonde. La neige s’arrête de tomber, elle se fige dans un temps qui s’est, depuis longtemps déjà, définitivement arrêté. Les vivants devraient être récompensés pour ne pas être morts. Ou l’inverse. Noir.

« Hyppogriffe déplumé ! »

J’aurais aimé dire que mon murmure s’était perdu dans le silence chaotique de l’école. Que tout ce que j’entendais, c’était le bruit de ma respiration. Mais le cri résonnait encore. L’écho d’une agonie sanglante. Plus rien ne bougeait. La nuit immobile et latente prenait le pouvoir de Poudlard. Et pourtant, ce cri me glaçait toujours le sang. Plus je descendais les marches glacées, plus j’avais l’impression de m’en rapprocher, des origines du mal. Il y avait quelque chose de malsain dans ce cri. Alors même que le silence régnait, la voix martelait encore son hurlement perpétuel contre mon crâne. Et soudain, plus de marches. Le noir, en revanche, se fait de plus en plus obscur. D’un geste désespéré, je tente une dernière fois de lancer un lumos. Je ne sais pas ce qui me surprit le plus : que mon sort fonctionne, ou de voir s’illuminer le visage de Destiny, ce qui me fit sursauter. Mais, comme je l’ai dit, quand on a peur, le plus dur, c’est de ne pas le montrer. Mes réflexes m’avaient trahi, mais mon visage s’aggrava tout à coup. Mes yeux au ciel, et ma baguette au sol.

« Toi… »

Vous connaissez ce sentiment ? Lorsque vous détestez quelqu'un d'une force telle que seule l'envie de ne pas finir en prison vous retient de l'étriper. Lorsque tout, en une personne, vous répugne tellement que le simple fait de la regarder vous donne des hauts le coeur. Au fond, Destiny et moi, on aurait pu s'entendre, si on l'avait voulu. Mais on était telle têtues, qu'on avait laissé nos différences prendre le dessus sur nos similitudes. La croiser ici ne m'arrangeait pas. A vrai dire, je n'avais prévu de croiser personne. Entre temps, mes cheveux avaient viré au vert, et je n'avais pas réussi à leur rendre leur apparence naturelle. L'air de rien, je replaçai une mèche derrière mon oreille.

« Je ne sais pas comment tu fais, Destiny, pour te trouver toujours au mauvais endroit au mauvais moment, mais puisque tu es là, autant te rendre utile, tu ne crois pas ? Dis-moi, ce... cri. Il venait de chez les serpentards ? »

Connaissant leur amour pour le bizutage, ça ne m'aurait pas étonnée. Mais, en la regardant bien, je compris qu'elle était aussi effrayée que moi. Parce que, lorsqu'on a peur, le plus dur, c'est toujours de le cacher.

On se rend aux cuisines et interroge les elfes.

Emma et Destiny demandent l'attention de tous les elfes de maison.

« Je ne sais pas comment tu fais, Destiny, pour te trouver toujours au mauvais endroit au mauvais moment, mais puisque tu es là, autant te rendre utile, tu ne crois pas ? Dis-moi, ce... cri. Il venait de chez les serpentards ? »

Elle. Encore elle. Je n'en pouvais plus de cette fille qui pour moi était si fausse. Le simple fait de voir son écusson me répugne, serdaigle. Cette maison sert à quelque chose, sérieusement ? Je veux dire, d'un côté il y a les gentils: les gryffondors. Et de l'autre les méchants: les serpentards. Le reste, il ne sert à rien. Les querelles sont toujours entre les rouges et les verts, jamais avec les jaunes ou les bleus. Je soupire. Cette situation était déjà délicate, il fallait bien qu'une nouvelle couche d'emmerdes viennent se déposer sur le tas, comme toujours. Et pourtant, je ne me laisse pas emporter par la situation. Je reste calme, même si à l'intérieur, j'ai envie de hurler. Je fronce les sourcils, ma peur se lit sur mon visage comme si un grand écriteau blanc avec écrit, en rouge sang: "Je n'ai qu'une envie, partir me recoucher. J'ai peur, j'ai froid et en plus je suis avec une fille que je n'aime pas" avait pris place sur mon front. Mais je remarque qu'elle a l'air aussi confiante que moi. Ses cheveux sont verts. D'une couleur verte serpent. Cette situation est plutôt ironique, sachant que c'est ma couleur.

" Non, mais j'ai bien l'impression que le cri venait d'en bas... Vers les cachots, ou bien les cuisines, je ne sais pas. Ici, tout est désert, calme, comme toujours."

Après, d'un commun accord (ce qui est assez rare, mais la situation est bien trop compliquée pour que l'on en fasse un hippogriff de notre relation pas vraiment amicale, nous décidons de nous rendre aux cuisines, car, d'un côté, nous savons que les elfes de maisons ne dorment jamais et d'un autre, le cri provenait des sous-sols, ce qui nous laisse peu de choix.

Interroger les elfes de maisons ne fut pas une chose facile car, tout d'abord, ils ne voulaient pas nous écouter. Mais au final, alors qu'un cri de silence se fait entendre, ils ne dirent plus rien et décidèrent de nous écouter. En trois, quatre phrases, nous leur expliquâmes la situation, personne ne parle. Tous hausse les épaules et retournent à leurs travaux.

En soupirant, je décide de sortir, de toute façon, ils n'ont rien vu, ou, si jamais ils auraient vu quelque chose qui pourrait nous aider, ce n'est surement pas à une élève de serpentard qu'ils confiraient l'information. Et pourtant, avant de franchir la porte, un elfe sort de sa cachette et nous arrête. En toute discrétion, il nous informe que le bruit viendrait probablement de la grande salle, ce qui m'étonna en un premier temps. Puis nous décidons de lui faire confiance et donc de se diriger à nous vers le rez-de-chaussée.

La grande salle est calme, le silence règne, mais nous ne voyons rien. Je pointe donc ma baguette, accompagnée du sort de lumière, vers l'avant. Rien. Je ne vois rien. Tout a l'air si... Trouble, tellement. Je plisse les yeux. La grande salle est immense, pourtant je ne vois qu'à une dizaine de mettre, tout ça à cause d'une brume de provenance inconnue. Je fronce les sourcils et tourne la tête vers la bleue.

" Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Tu as une idée, ô toi qui es si intelligente, d'où peut bien provenir cette brume ? Je ne sais pas, moi, je n'ai jamais vu ça. Ce n'est pas dans mes habitudes de me jeter dans la gueule du loup comme je le fais en ce moment. Je laisse ça aux gryffondors et aux gens comme toi. Ce n'est pas mon rôle. Putain... Mais qu'est-ce que je fais ici ?"

La panique est bien trop présente pour l'ignorer. Mon coeur bat tellement fort, tellement fort de peur, que j'ai l'impression qu'il va me sortir par le derrière. Quelle sensation horripilante. De plus, je viens de me griller devant une fille en qui je n'ai absolument pas confiance. Pour une nuit pourrie, c'est la pire.

"Tu ferais quoi, toi ? "

Puis je baisse les yeux, non pas que la regarder me fait peur, ou même que je me sens inférieure (quoique, dans cette situation, un peu tout de même), mais bien car j'ai l'impression que la brume semble se dissiper au sol. Je lève les yeux vers elle, du genre "tu as vu ?", mais je ne dis rien. Déjà qu'elle me trouve assez stupide comme ça, je ne vais pas non plus en rajouter.