"we're still bleeding,,

you're the lucky ones

Les plus chanceux étaient morts pendant la bataille. Ils étaient morts heureux. Nous, nous devrions continuer à vivre avec tout ça. A vivre avec leurs yeux, vides de vie. Vides de sens. Je ne savais pas trop ce qui m’attendait, mais quand le professeur de défense contre les forces du mal nous avait dit que nous devions le suivre, au départ, j’étais soulagé. Honnêtement, je n’avais aucune envie de me rendre en cours de métamorphose. La matière m’ennuyait. Le professeur m’ennuyait. C’était du temps perdu. Et je n’avais plus de temps à perdre. J’étais avec Plumpton, une gryffondor. Au départ, l’idée de croiser les maisons ne m’avait pas paru judicieuse. Mais s’il faudrait encore une fois prouver la supériorité des serpentards, alors je le ferai. Les rancœurs entre les maisons avaient beau s’être atténuées avec la bataille, on savait tous que ça continuait. Tout comme le sable dans ces sabliers.

Sans poser de questions, je suivais le professeur. Mais Perpetua n’avait pas l’air très rassurée. Après tout, on était à Poudlard, qu’est-ce qui pouvait bien nous arriver. Ce n’est que lorsqu’on s’est mis à sortir dans le parc que j’ai commencé à me poser des questions. Pourquoi est-ce que le professeur de défense était venu nous chercher, rien que nous deux ? Et pourquoi nous emmener dehors ?

"Le ministère a changé quelques règles dans l'enseignement de défense contre les forces du mal, c'est pourquoi nous vous envoyons dans le labyrinthe pour vous entrainer, au lieu de changer des verre en crapauds ! Ce n'est pas mer-vei-lleux ?"

Vous connaissez, ce sentiment ? Quand on vous annonce quelque chose de si terrible que vous avez l’impression de vous prendre une claque en pleine face. Quand on vous annonce que vous allez devoir revivre votre pire cauchemar, comme si vous étiez enfermé dans une spirale infernale. Un regard vers Perpetua qui semblait aussi surprise que moi. C’était du grand n’importe quoi. Mais visiblement, on n’avait pas vraiment le choix, puisqu’au moment où le professeur nous jeta dans la labyrinthe, les haies se refermèrent derrière nous. Comme un piège.

C’était à ce moment là, précisément, que j’ai compris. On n’avait pas le choix. On n’avait plus le choix. C’était aussi simple que ça. Une chance sur deux. Marche ou crève. Prie ou jure. On avait déjà été confrontés à ça. Mais on n’avait trop perdu. Parce qu’on n’avait pas été assez préparé. Mais maintenant qu’on savait, alors peut-être que ça serait différent. J’ai toujours pensé que le passé appartenait au passé. Qu’il ne servait à rien de le ressasser. Mais j’ai vite compris qu’on ne pouvait pas oublier son passé. Il restait avec nous, toujours, gravé dans nos mémoires. D’une manière ou d’une autre, il fallait finir par l’accepter. C’était la seule manière d’avancer.

« Je pense que oui, sinon il ne serait pas venu nous chercher tous les deux… Ecoute, je sais qu’on n’est pas dans la même maison, qu’on s’est jamais vraiment entendu, toi et moi, mais j’ai pas envie de vivre ça tout seul. Je sais pas pourquoi on est là, et je sais pas ce qu’il va se passer, mais on n’est pas là pour se tirer dans les pattes. Alors avançons ensemble. On s’en sortira certainement mieux. »

Un sourire. J’avais envie d’oublier toutes les querelles. De repartir à zéro. Alors je m’engouffrais dans le labyrinthe, espérant qu’elle me suivrait. Oui, les plus chanceux étaient morts pendant la bataille. Nous, nous devrions continuer à vivre avec tout ça. A vivre avec leurs yeux, vides de vie. A vivre avec leur corps, inertes. A vivre avec le sang, qui continuait à couler. A vivre avec la mort. Parce que nous, nous devrions la revivre, cette guerre, , jour après jour. Comme une prison dont nous ne serions jamais délivrés.