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Cher Alistair,

La rentrée s'est bien passée, malgré les derniers événements. Vous me manquez toujours autant, mais malheureusement, les cours sont rudes et les profs sont d'autant plus prudents depuis la guerre. Beauxbâtons a perdu de sa réputation, et l'on murmure déjà dans les couloirs que la directrice pourrait démissionner. Je suis désormais en septième année, toujours dans l'écurie Hypnos. Plus que deux ans, et je rejoindrais l'université, le temps passe vite. Maman m'a envoyé des photos de vous (il est inutile que je fasse de même, tu vois Andy tout les jours après tout), et j'ai appris pour Andy. Terrible, vraiment. Elle me manque beaucoup, et je regrette son séjour à l'hôpital, mais tout va bien maintenant, n'est-ce pas ? Il paraît qu'elle a été guérie, qu'elle est de retour. Dis lui que j'aimerais avoir de ses nouvelles, elle ne répond pas aux lettres. C'est étrange, elle le faisait avant.

Toi, comment vas-tu ? C'est ta dernière année à Poudlard ! Comme j'aurai aimé y étudier. Mais je me suis finalement habituée à Beauxbâtons, même si l'ambiance est un peu trop princière parfois. Peut être qu'un jour, on pourra se retrouver. Je l'espère sincèrement en tout cas. Je dois y aller, il est temps que je me rende en cours. Ô joie !

Je t'embrasse,
Melody.

Ray enfila son pull-over en laine verte, attrapa l'enveloppe qu'il avait soigneusement dissimulée sous son oreiller et quitta les dortoirs. Sans faire le moindre bruit, le jeune homme marchait dans les couloirs sombres, froids et humides des cachots. Il cherchait son amie Andy. Depuis le début de l'année scolaire les deux camarades ne s'étaient peu voire pas côtoyés. Quelque chose ne tournait pas rond. Bien qu'ils n'aient jamais été réellement proches, ils avaient pour habitude de passer du bon temps ensemble. La découverte de cette lettre ne faisait qu'affirmer ses soupçons.

Comme à son habitude, Ray s'était permis de fouiller dans les affaires de ses camarades. Plus particulièrement dans celles de Alistair Silverpyre, frère de son amie Andy. Après quelques minutes d'intenses recherches il était tombé sur une boîte. Une magnifique boîte en or. En voleur aguerri, Ray avait immédiatement compris que cette boîte était très probablement d'une valeur inestimable. Le jeune homme s'était juré qu'un jour ou l'autre, il la volerait à Alistair. Sans attendre une seconde de plus, il l'avait ouverte et avait inspecté son contenu. Des bibelots, quelques objets sans valeur, mais, aussi et surtout, des lettres. Après avoir vérifié qu'il était bien seul, il avait commencé à les lire une à une. Jusqu'à trouver une lettre des plus étranges. Une lettre signée par une dénommée Melody.

Continuant à parcourir les corridors lugubres des cachots, Ray commença à siffler. Il se sentait trahi. Depuis une semaine, il tentait de trouver une raison à tout ce remue-ménage. Andy avait-elle été déloyale avec lui ? Et si toute leur amitié avait été construite autour d'un mensonge ? La trahison ; une grande première pour Ray. Lui qui ne donnait jamais sa confiance, ni un tant soit peu d'amour ou encore d'amitié envers personne. Le jeune homme tombait de haut. En temps normal c'était lui l’infidèle. Lui qui mentait à tout va pour créer un pseudo-climat de confiance et ainsi atteindre ses fins. C'était lui qui était déloyal. Pas les autres.

Assise sur les marches d'un escalier en spiral, Ray repéra aussitôt Andy. Il continua de siffler et, d'un pas rapide, il s'approcha d'elle. Arrivé à quelques mètres à peine de son amie, Ray jeta la lettre aux pieds de son interlocutrice. « Tu peux m'expliquer ? » Ray sentait la colère s'envahir dans tout son être. Il savait déjà qu'il y céderait à un moment ou à un autre si Andy lui avouait qu'elle lui avait menti. « Tu m'as menti Andy ? Ou devais-je dire Melody puisque qu'Andy n'est pas censée être à Poudlard. Tu es qui ? Dis moi qui tu es. » Il resta debout face à elle, sans bouger. Ray s'était volontairement montré froid envers Andy. Il ne supportait pas cette situation, il ne supportait pas de s'être fait trahir par une des seules personnes à qui il avait daigné donner un peu de son temps, de son affection. Ray n'était pas ce genre de type. Personne ne se foutait pas de lui et encore moins ses « amis ».

Il croisa les bras, d'un air désinvolte, et, de ses orbes émeraudes, il fixa Andy.

« We've all got both light and dark inside us. What matters is the part we choose to act on. »

Encore une lettre, toujours plus de lettres. Ma mère mentait. Elle prétendait que j'étais à Beauxbâtons alors que j'étais censée croupir dans un hôpital psychiatrique. Je pensais que je pouvais compter sur elle. C'était mon modèle quand j'étais plus jeune. Aujourd'hui, elle n'était plus qu'une pièce du puzzle. Quelqu'un sur qui je pourrais me venger. Puisque c'était ça, le but, après tout. La vengeance. Ne rien regretter. Les faire payer, tous. Ils m'avaient abandonnés et ils m'avaient laissés. Voilà comment je le voyais. J'étais celle qui était restée dans un asile pendant six ans en supportant les hurlements des fous autour de moi. Personne ne pouvait comprendre ce que je pouvais ressentir, surtout lorsque j'ai appris que tout ça n'a été qu'un coup monté. J'étais censée être à Beauxbâtons durant toutes ces années, laissant Alistair et Ivy penser ce qu'ils désiraient. Les laissant avec leurs questions. Toujours plus intrigués par le fait qu'une des deux jumelles aient disparue sans raison.

Je me rappelle avoir fouillé les missives que recevait Alistair, peu après avoir découvert qu'il en recevait. Puis j'ai découvert un secret qu'il n'avait raconté qu'à « moi ». La Melody des lettres. L'accident. La fille qu'il a tué. J'ai eu ce sentiment de fierté, comme si j'étais celle en qui il avait le plus confiance lorsque j'étais petite. Puis je me suis rappelée que ce n'était pas vraiment moi qui l'avait reçu. Que c'était Victoria. Et qu'une fois de plus, elle m'avait tout volé. Que ce soit mes joies, mes peines, ou ma famille. C'était elle qui avait tout pris. L'espace d'un instant, j'étais là, puis une seconde plus tard, j'avais disparu. Je n'étais plus qu'un souvenir lointain, l'image d'une petite fille qui marchait toujours devant sa sœur, qui la guidait à chacun de ses pas. Puisque c'était comme ça. Je faisais toujours tout avant elle. Je lui montrais le chemin. C'est pour ça qu'elle m'a cru quand je lui ai promis que je la sortirais. Les jumeaux ont un lien très spécial, et je pouvais l'assurer. On ressent ce que ressent l'autre. Comme si nos deux cerveaux n'en formaient qu'un. On sait lorsque l'autre souffre, ou lorsque l'autre est heureux. C'est inexplicable et étrange, mais c'est ce lien que j'aurai avec Andy jusqu'à la mort de l'une d'entre nous. Je le saurais, si elle mourrait. J'ai déjà ressenti cette sensation de déchirement dans ma poitrine, lorsque je lui ai avoué qu'elle ne sortirait pas de l'asile. Je me rappelle avoir grimacé, parce que la douleur était trop forte. La souffrance psychique m'avait achevée, et j'avais tout fait pour l'oublier l'espace d'un instant. Ses sanglots me faisaient mal, tout comme ils la détruisaient. J'essayais de tout mon cœur de la haïr. Et j'arrivais même à prétendre que c'était vrai. Mais c'était tellement faux. Je l'aimais, et je l'aimerais pour toujours. Cependant je refusais de rester dans un asile toute ma vie. Elle avait besoin d'aide. Pas moi.

Au fil des jours, j'ai appris à connaître ses amis, ses fréquentations, tout ceux qu'elle avait pu rencontrer et avec qui elle avait tissé des liens. J'ai tenté tant bien que mal d'agir de la même façon qu'elle l'aurait fait. On dirait que ça n'avait pas marché pour Ray. Un des plus proches ami d'Andy d'après ce que j'avais pu comprendre. « Tu peux m'expliquer ? ». Assise sur les escaliers en spirale, il jeta une lettre à mes pieds. Je la pris, et lisais rapidement les quelques lignes. . « Tu m'as menti Andy ? Ou devais-je dire Melody puisque qu'Andy n'est pas censée être à Poudlard. Tu es qui ? Dis moi qui tu es. ». Il était rusé. Je l'avais remarqué. Et en l'espace de quelques semaines, je m'étais attachée à lui. C'était ça qui me blessait le plus. « Je ne vois pas de quoi tu parles Ray. Regarde, c'est écrit noir sur blanc. ''Andy est de retour.''. Comment est-ce que tu peux penser que ce n'est pas moi ? ». Je m'étais levée à mon tour, emportée par la colère. « C'est vrai, qu'est-ce que Melody pourrait venir faire ici ? Victoria l'a bien isolée pour une raison, hein ? Tout le monde s'en est toujours foutu de savoir si j'étais à Beauxbâtons ou bien morte ou je ne sais où. ». Une larme de rage coula sur ma joue, que je m'empressais d'essuyer. Merde. Merde. Merde.

Il ne la quittait pas du regard. La jeune femme qui lui faisait face était la copie exacte de Andy. Le temps d'un instant il eut envie d'aller s'asseoir à ses côtés, de la prendre dans ses bras, de rire avec elle, comme il le faisait si souvent avec son amie. Secouant la tête, il se rappela que ce n'était très probablement plus elle, qu'en ce moment-même il parlait peut-être à une inconnue. Il passa une main sans ses cheveux qu'il ébouriffa rapidement. Ray ne comprenait plus rien à cette situation.

« Je ne vois pas de quoi tu parles Ray. Regarde, c'est écrit noir sur blanc. ''Andy est de retour.''. Comment est-ce que tu peux penser que ce n'est pas moi ? ». Sa voix était un peu plus pressée et aiguë que d'habitude. D'énervement, Andy se leva. Ne bougeant pas du moindre centimètre, Ray continua de la dévisager. Tandis qu'elle reprenait la parole, Ray inclina la tête, comme pour mieux l'observer. Il cherchait le moindre défaut, le moindre petit détail qui lui permettrait d'assurer qu'elle n'était pas Andy. « C'est vrai, qu'est-ce que Melody pourrait venir faire ici ? Victoria l'a bien isolée pour une raison, hein ? Tout le monde s'en est toujours foutu de savoir si j'étais à Beauxbâtons ou bien morte ou je ne sais où. ».

Surpris, mais aussi et surtout intéressé par le lapsus que Andy venait de commettre, Ray arqua un sourcil. Il fit un pas en direction de Andy, ou plutôt de Melody, et essuya la larme qui roulait sur sa joue. Le jeune homme en profita pour la prendre dans ses bras. Ray avait oublié toute la rancœur qu'il avait précédemment éprouvé envers Melody. Celle-ci semblait avoir tant souffert. Elle semblait être meurtrie au plus profond de son âme. Il passa une main réconfortante dans les cheveux noirs de celle qu'il avait cru être Andy le temps d'un mois. Il déposa sur elle un regard lourd de sens. Un regard qui signifiait qu'il était là pour elle. Ray ne se montrait que très rarement sous son véritable jour. Il n'avait jamais tendu sa main à quiconque. Il n'avait jamais proposé son aide à personne.

Il tourna les talons et alla s'asseoir là où elle l'avait précédemment été. Il la dévisageait. Mais son regard avait changé. Il n'était plus là pour la juger, pour lui tirer les vers du nez, mais il était bel et bien là pour la réconforter. « Ne pleure pas. Ça ne sert à rien. Ne dévoile jamais tes faiblesses au grand jour. Quoi que tu aies fait, quoi que tu fasses, prouve au monde entier que tu es forte. Que tu es plus forte qu'eux. Continue de porter le masque que tu as si bien porté tout au long de ce mois » Ray savait de quoi il parlait. Chaque jour de son existence il avait dû vivre derrière un visage qui n'était pas le sien. Personne ne connaissait sa véritable histoire. Personne ne connaissait ses véritables intentions. Personne ne l'avait jamais réellement connu.

Il n'avait jamais côtoyé Melody et, pourtant, à cet instant précis, il se sentait étonnamment proche d'elle. Comme s'ils s'étaient toujours connus. Comme s'ils avaient partagé la même vie, le même vécu. Un vécu dur à accepter, mais qui les avaient forgés. Qui les avaient rendus plus forts. Plus matures. Une histoire qui les avait fait grandis plus vite que les adolescents de leur âge. Ray n'avait jamais pu connaître l'insouciance de l'enfance, les folies de l'adolescence, il était, en quelques sortes, né adulte.

« Je ne sais pas pourquoi tu es venue ici. Je ne sais pas pourquoi tu te fais passer pour ta sœur jumelle. Je n'en sais rien et, à la limite, je m'en contrefiche. C'est ta vie et elle ne me regarde absolument pas. D'autant plus qu'elle ne m'intéresse pas plus que cela. » Il mentait. Ray voulait tout savoir de la vie de Melody. Il voulait la connaître. Mais, par respect pour sa nouvelle amie, il ne voulait pas lui forcer le pas. Si elle devait lui parler, ou même si elle en ressentait le besoin, il serait là pour elle. Après tout, se confier était humain. Chaque personne sur cette maudite planète devait, un jour ou l'autre, se confier, vider son sac pour repartir à zéro. Pour se soulager. C'était vital. Ray reprit la parole. « Cependant, saches que je serai là pour toi. Si tu as besoin de moi, si tu dois savoir la moindre chose sur n'importe qui, je serai là. Tu peux me faire confiance. » Ray s'arrêta. Ne sachant pas quoi dire de plus, il resta là, assis face à Melody. À ne rien dire.

« Oh, if you're hearing this, I must have made it through. Oh, when the clouds are burned, open up my window : I see the sky's still blue. »

Je m'étais trompé. J'avais laissé tombé le masque. J'avais commis une erreur qui était aujourd'hui irréparable. Ray avait effacé la larme qui roulait sur ma joue, celle contre laquelle j'avais lutté pendant plusieurs secondes, pour finalement abandonner face à l'impossibilité de la tâche. Lutter contre mon propre corps n'était certainement pas une bonne idée. Je n'y arriverais pas, de toutes manières. Puis à ma plus grande surprise, il me pris dans ses bras. Jamais personne n'avait fait cela pour moi, en six ans. Cela me rappelait brusquement à quel point il était bon de ressentir de l'affection. Savoir que la personne en face de vous ne désire que votre bien, et tente de refermer les plaies béantes. Tente de nous réparer. Après quelques secondes d'immobilité, je le serrais de toutes mes forces. Comme si c'était la dernière fois que j'allais pouvoir être aussi proche d'une personne à laquelle je tenais.

« Ne pleure pas. Ça ne sert à rien. Ne dévoile jamais tes faiblesses au grand jour. Quoi que tu aies fait, quoi que tu fasses, prouve au monde entier que tu es forte. Que tu es plus forte qu'eux. Continue de porter le masque que tu as si bien porté tout au long de ce mois. » C'est ce que j'ai toujours pensé. Rester dans le silence, ne pas pleurer, ne rien montrer, tout enfouir et oublier que les émotions ont pu exister. Mais seulement après un mois, face à la vérité, je ne faisais toujours pas le poids. Le masque se fissurait, et je ne pouvais plus recoller les morceaux, ils étaient déjà brisés. Face aux autres, je réussissais à tenir. Je réussissais à prouver que je pouvais être quelqu'un d'autre. Une personne qui me ressemblait en tout point physiquement, mais qui était totalement opposée à moi mentalement. Cette fille que j'avais protégé durant toute mon enfance mais qui n'était rien de plus qu'une étrangère. Je l'avais aimé. Je l'aimais de tout mon cœur. J'avais l'impression de m'arracher une partie du cœur à chaque jour de plus qu'elle passait dans cet asile, à cause de moi. Elle méritait la paix. Peut être que la mort lui apporterait. J'étais tiraillée entre cette idée qu'elle m'avait condamnée à l'exile et celle où elle restait ma jumelle. La deuxième partie de mon âme. Et je l'aimais, je l'aimais tellement.

« Je ne sais pas pourquoi tu es venue ici. Je ne sais pas pourquoi tu te fais passer pour ta sœur jumelle. Je n'en sais rien et, à la limite, je m'en contrefiche. C'est ta vie et elle ne me regarde absolument pas. D'autant plus qu'elle ne m'intéresse pas plus que cela. » Il mentait, et je le voyais dans ses yeux. J'avais passé assez de temps enfermée entre quatre murs pour savoir déceler un menteur lorsque j'en croisais un. Il était simplement trop poli pour me demander tout ce qu'il aurait aimé savoir. De toutes façons, il le saurait un jour ou l'autre. Maintenant qu'il était le seul à connaître mon secret, il découvrirait probablement toute la vérité au fur et à mesure. C'était ma première erreur. J'essayais de me convaincre que ça serait la seule. Il n'y en aurait pas d'autres. Ray serait le seul à savoir, et j'avais confiance en lui d'une certaine manière. Je savais que je pouvais compter sur lui pour ne rien dire, et garder sa bouche fermée. Je n'avais pas vraiment le choix, d'un autre côté. « Cependant, saches que je serai là pour toi. Si tu as besoin de moi, si tu dois savoir la moindre chose sur n'importe qui, je serai là. Tu peux me faire confiance. ». Je n'arrivais pas à m'empêcher d'être méfiante. C'était comme ça. Ça faisait partie de ma nature, et on ne se bat pas contre sa nature. « Tu sais, j'ai passé six ans en hôpital psychiatrique. Je peux très bien voir si tu me mens ou non. Et tu meurs d'envie de savoir. ». Je ne comptais pas tout lui dire. Je voulais juste qu'il sache que je n'étais pas stupide. Loin de là.

« Comment tu peux promettre ça ? Ils ont tous promis, et regarde où j'en suis. Tu me connais à peine. Tu pourrais très bien me mentir. C'est ce que tout le monde a toujours fait. »Ma dernière phrase avait disparu dans un murmure, comme si elle n'était pas digne d'être entendue, ou digne d'une réponse. Je devais être forte, pour pouvoir me battre. Pour affronter tout ce dont j'avais été éloignée. Y compris ma famille. Mais ça, ça viendrait plus tard. « Ne me sous-estime surtout pas Ray. Ne sous estime pas ce que je suis capable de faire. »

Ray fixait Melody. Il ne détachait plus son regard de son interlocutrice, tant il était absorbé, fasciné par sa présence. Durant un long mois, elle avait su le berner, lui mentir comme personne ne l'avait jamais fait. Elle avait su comment s'y prendre, afin de passer entre les mailles du filet et de ne pas se faire cerner. Par chance, Ray avait trouvé cette fameuse lettre. Lettre qui avait confirmé ses quelques doutes. « Tu sais, j'ai passé six ans en hôpital psychiatrique. Je peux très bien voir si tu me mens ou non. Et tu meurs d'envie de savoir. » Instinctivement, il eut un léger mouvement de recul. Ray se sentait en quelque sorte attaqué par Melody. Il n'aimait pas que l'on sache discerner le vrai du faux. Cependant, intrigué, mais aussi amusé, un léger rictus s’esquissa sur le visage du jeune homme ; Melody lui ressemblait tant.

Une énième fois, il planta ses orbes vertes dans celles de Melody. Il se sentait tellement proche et à la fois éloigné d'elle. Sous bien des aspects, elle n'était qu'une simple inconnue pour Ray. Mais … ce petit quelque chose, cette attraction inexplicable le liait à elle. Il avait envie de lui tendre la main. De la prendre dans ses bras pour lui dire que plus jamais elle ne serait seule. « Comment tu peux promettre ça ? Ils ont tous promis, et regarde où j'en suis. Tu me connais à peine. Tu pourrais très bien me mentir. C'est ce que tout le monde a toujours fait. » Ray se leva. Il fit un pas en direction de Melody mais il s'arrêta net dans son élan. « Ne me sous-estime surtout pas Ray. Ne sous estime pas ce que je suis capable de faire. ». Il resta là, face à elle. Ces quelques secondes avaient l'air d'une éternité. Ray tentait de comprendre le personnage qu'était Melody. Elle était unique. Elle était aux antipodes de ce qu'avait été Andy. Elle était son exact opposé. « Comment est-ce que je peux promettre ça ?  » Il fit un pas de plus afin de réduire la distance qui le séparait de Melody.

Ray ne s'était jamais dévoilé, il n'avait jamais su enlever ce masque qui lui collait à la peau. Il n'avait jamais montré qui il était, il n'avait jamais fait part de son passé, de son présent. De ses soucis. De sa famille. Il passa sa main sur la joue droite de Melody avant d'aller la déposer sur son épaule. « Comment est-ce que je peux promettre ça ? » Il réfléchit un instant. Le temps de trouver les bons mots, de savoir quoi dire. De ne pas la heurter mais aussi de ne pas se précipiter. Ray s'apprêtait enlever son masque, à se livrer, certes brièvement, mais c'était déjà un cap. Enlever un masque que l'on avait porté toute sa vie, revenait à s'arracher la peau. À s'éloigner de la vérité que l'on s'était créée. Vérité qui, en fin de compte, s'avérait être vitale. « Je sais à quel point il est difficile de vivre seul. La trahison, le mensonge, la mort, tout cela fait de nous des êtres vulnérables. Seuls. J'ai vécu les pires atrocités ces derniers temps, tout ce que j'ai vécu est très probablement éloigné de ce que toi tu as dû surmonter, peut-être même que mon histoire te paraîtrait futile, je n'en sais rien, mais … ça m'a changé. Ça a changé le regard que je porte sur la vie. Pourtant, personne n'a remarqué ce changement : tout comme toi, je porte un masque. Un masque que je n'enlève jamais totalement.  ».

Il s'arrêta, un bref instant. Pensant à sa mère, le jeune homme sentit un léger frisson parcourir tout son être. Elle lui manquait tant. Il se rappelait de tous ces petits moments, toutes ces petites parenthèses qu'ils vivaient à deux et qui, par dessus tout, embellissaient leurs vies. Toutes ces petites incartades lui manquaient. Depuis le décès de sa mère, Ray n'avait jamais eu l'occasion de prendre du bon temps. La solitude l'avait changé en quelqu'un de morne. De triste. De mort. « La solitude nous ronge. C'est un mal que l'on ne peut combattre seul. Depuis des mois et des mois, je la sens en moi. Je la sens grandir, prendre de l'ampleur, du pouvoir dans ma vie. Elle me change … elle me tue. En te tendant la main, en te proposant mon aide, j'accepte mon mal-être. J'accepte de me battre contre et de me relever. De reprendre le contrôle de ma vie. »

Il enleva sa main de l'épaule de Melody. Il en avait trop dit et s'en voulait déjà. Sentant les larmes lui monter aux yeux, Ray baissa la tête. Il ne voulait pas se montrer faible face à Melody. Lui qui s'était permis de lui dire de ne pas pleurer avait honte. Il se sentait pathétique. Pourtant, il releva la tête, planta une dernière fois ses yeux dans ceux de Melody : « Je ne te sous-estime pas. Et je ne le ferai pas. Cependant, fais en de même pour moi. »