L’histoire de la magie était très loin d’être une matière qui me passionnait. C’était même le contraire : pas un cours ne passait sans que je ne manque de m’endormir. Malgré tout, j’avais mis un point d’honneur à être une élève, si ce n’est exemplaire, au moins correcte, dans toutes les matières, même celles qui ne me plaisaient guère. Alors je prenais tant bien que mal des notes, tentant de suivre le ton monocorde du professeur qui ne semblait pas toujours plus motivé que nous. Ce que nous y apprenions, en soi, n’était pas d’un ennui si profond. La magie me fascinait, et savoir comment et pourquoi notre monde actuel était tel que nous le connaissions, était un apprentissage indispensable. Mais à mon avis, apprendre et réciter une théorie barbante écrite dans un livre était certainement la pire façon de donner aux élèves l’envie d’aimer cette matière. Qu’à cela ne tienne, mes notes restaient tout à fait correctes car je fournissais les efforts que beaucoup ne jugeaient pas nécessaires.
Une fois n’étais pas coutume, le professeur avait décidé de mettre un peu d’animation - ce terme était peut-être un peu fort… - dans notre apprentissage. Il s’agissait de faire des groupes de deux, pour travailler sur un sujet et l’exposer, la semaine suivante, groupe par groupe, devant le reste de la classe. Mes amies et moi échangeâmes des regards complices, et décidâmes qui irait avec qui. Enfin quelque chose d’un tant soit peu motivant ! Le brouhaha s’intensifia soudain, rumeur typique qui parcourt une salle de classe lorsqu’un enseignant fait une annonce inhabituelle. Ce dernier retourna d’un pas vif sur son piédestal avant de hausser le ton, coupant court à toutes les discussions. Il annonça haut et fort qu’il était hors de question que ces travaux en binômes deviennent des jeux entre amis ou des excuses pour se balader dans les couloirs. Tous levèrent les yeux au ciel : c’était définitif, l’histoire de la magie ne serait jamais un amusement. Lorsque le silence fut complet, le prof annonça qu’il désignerait lui-même les groupes. Il allait de soi qu’il choisirait des gens qui n’ont pas pour habitude d’être ensemble. J’échangeai un regard désappointé avec mes copines. Nous nous demandions toutes trois avec qui nous allions bien finir. Mon dernier espoir quant au déroulement de ces exposés était de me retrouver avec un inconnu dont la rencontre serait une bonne surprise.
- Holmes vous irez avec… Monsieur Mulciber.
La sentence était tombée, je travaillerais en duo avec Nero Mulciber. Je ne lui avais jamais tellement adressé la parole, il me semblait assez renfermé, peut-être n’étais-ce qu’une impression, j’aurai bien assez de temps pour le savoir. A la demande du professeur, chacun prit place auprès de son partenaire. Il hocha la tête de manière presqu'imperceptible, ce que je pris pour un salut. Je lui souris, tentant comme à mon habitude d’être joviale et de mettre les gens à l’aise - mais il ne daigna pas me répondre. Mon intérêt était évidemment dans la réussite de ce projet et, bien que je ne comptasse pas forcement faire de Nero mon meilleur ami, il faudrait que l’on s’entende bien.

Voilà tout ce à quoi je songeais, en attendant Nero Mulciber à la bibliothèque. A l’issue du cours de la veille, durant lequel notre groupe avait été formé par le bon vouloir de notre cher professeur, nous nous étions mis d’accord pour nous retrouver tous les soirs, pour une heure ou deux, juste avant le dîner, dans cette austère bibliothèque, jusqu’à ce que le projet soit terminé. J’étais accoudée à une table, avec devant moi, quelques livres que j’avais soigneusement choisis à mon arrivée. Mes cheveux blonds tombaient en pluie dorée devant mes yeux ; mon ennui était palpable. Je repensais à Nero : il était difficile à cerner et ne semblait pas avoir très envie de bavarder avec moi, du moins c'était ce que j'en avais vu depuis le cours d'histoire. J'espèrais que je serais capable de le dérider, mais encore faudrait-il qu'il en ait un peu envie, et le doute planait de ce côté là.