J’avais grogné, pour la forme, puis vaguement protesté, mais le défi qu’elle m’avait lancé avait déjà achevé de me convaincre à l’instant même où elle avait terminé d’en prononcer la dernière syllabe. L’idée qu’elle allait trop loin ne m’avait pas vraiment effleuré – après tout, ce n’était qu’un déguisement, pour une fête d’Halloween, qu’elle s’était ingéniée, par ailleurs, à pimenter, puisqu’on lui devait cette toute nouvelle instruction placardée sur les murs – et le ridicule n’avait encore tué personne, et moi encore moins. Enfin, je le pensais jusqu’à croiser mon reflet dans le miroir de la salle de bains de mon dortoir. « Ca fera ressortir l’éclat de ton œil droit », avait-elle ajouté. Sans équivoque, il était pour le moins accordé à la couleur de mon costume dans lequel je m’étais engoncé avec un soupçon de mauvaise volonté. Il n’y avait que ma compétitivité, mon refus de l’échec et mon entêtée fierté face à la Serdaigle pour accepter de porter une telle horreur pour cette soirée. J’avais dix-neuf ans ; j’en paraissais sept coincé dans un corps malingre trop grand pour son enfance.

Défiler dans le Château pour atteindre la place centrale du village voisin était une épreuve plus difficile encore que de revenir dans la chambre, sous le regard éberlué de mes voisins à qui je grimaçais un rictus juste avant qu’ils ne partent d’un grand éclat de rire. Comparé à leurs capes, crocs de vampire et autre faux sang sur des visages anguleux parcourus de vilaines cicatrices ou morceaux de peau flétrie, je jurais avec véhémence dans mon costume enfantin. Pas besoin de leur avouer qu’il s’agissait du fruit d’un pari avec la Serdaigle, ils l’avaient su dès l’instant où ils m’avaient avisé accoutré de la sorte. Même à Vitali j’avais su tirer ce qui ressemblait le plus à un sourire – et ce n’était pourtant pas une mince affaire – tandis qu’Helios riait à s’en tenir le ventre. Aussi ne devais-je qu’à mon flegme la maigre répartie qui me vint aux lèvres au moindre commentaire cinglant percé sur mon chemin, ou ponctuant leurs brimades d’un silence indifférent. J’avais rejoint dans la Salle commune des Gryffondor Merry et Perpetua, sans apercevoir Shenzy, convenu que par la suite, nous passerions près de la Salle commune des Poufsouffle pour y récupérer Fulmina et enfin chez les Serdaigle pour y intercepter Aubépine. J’avais espoir de la croiser – histoire de savoir dès maintenant si elle s’était rétractée ou si elle avait enfilé le costume que je lui avais indiqué à la suite de sa proposition. La connaissant, j’avais fort à parier qu’elle n’avait pas résisté à l’envie de réussir le défi qu’on s’était lancé. Je fus déçu lorsque nous descendîmes quelques minutes plus tard, tous rassemblés, sans avoir aperçu un seul chapeau rond et brun dans les parages.

« Ludwiiiiig… Tu devrais peut-être arrêter de relever ces paris stupides. » Il y avait des moments, comme cela, où ma petite sœur regrettait cette qualité et me le faisait sentir avec une finesse inégalée. Faisant la moue, elle me dévisagea de pied en cape tandis qu’un sourcil arqué, je faisais de même ; sous son bustier noir dentelé s’échappaient les voiles d’une mini-jupe à peine autorisée par la décence. Ses longs cheveux roux, soigneusement brossés et arrangés pour tomber en cascades sur ses épaules nues, arboraient de fausses toiles d’araignée, dont une se balançait paresseusement au bout de son chapeau pointu. Shenzy avait toujours adoré les costumes imaginés par les moldus bercés de contes de fées et de légendes extraordinaires, et chaque année, elle présentait une jupe toujours un peu plus courte que l’année passée. « Quand tu arrêteras de t’attifer comme une poupée gonflable. » Avare de mots, touchant leur cible avec efficacité. Shenzy lorgna sur sa jupe puis leva les yeux au ciel, comme si elle en voulait à Dieu de ne pas m’avoir empêché de remarquer qu’elle prenait un trop grand goût aux vêtements osés dans un cadre scolaire et à un âge auquel je n’étais pas enclin à lui accorder une telle liberté. Ni même, à vrai dire, quand elle sera plus vieille ; j’avais une tendre affection pour ma sœur depuis sa naissance et n’appréciais que moyennement les chemins qu’elle prenait actuellement, versée dans une rébellion romantico-gothique comprenant un style vestimentaire un peu trop élaboré. Le bustier, passons ; la jupe, c’était encore une autre histoire. Elle leva les bras en signe de résignation et secoua la tête ; d’un coup de baguette, je rallongeais alors sa jupe de quelques centimètres, puis l'attirai à moi pour l'embrasser sur le front. Elle sourit - une façon de m'excuser de mes mots comme une autre. Son absence de protestation, sans doute due à des mots légèrement rudes pour qualifier son style actuel, marquait qu’elle avait compris où était ses limites.

Les miennes, en revanche, n’étaient visiblement pas atteintes, en attestait le ridicule de mon propre accoutrement. Et je n’avais pas besoin de Simba pour le savoir.

Les professeurs vociférèrent, hurlèrent sur la décence d’une telle situation et sur notre ingratitude de foutre en l’air tous leurs efforts pour nous faire plaisir. Ils s’étaient sans doute attendus à ce que nous venions en pingouins et ces demoiselles en robe sirène accordées. Ce qui était ridicule prit soudainement une tournure plus comique lorsqu’ils avisèrent les costumes les moins appropriés, ébahis, comme la Fée clochette un peu raté pour être trop maquillée qui passa non loin d’eux, ou simplement en me dévisageant ; il fallait dire que dans mon costume de grenouille, je détonnais avec aplomb. Non seulement je les collais au train deux années de trop, cancre qu’ils tiraient du bout de sa chaîne depuis neuf ans, mais en plus, je ne prenais pas la peine d’être présentable à une soirée qu’ils avaient préparé pour nous détendre. J’étais vraiment un mauvais garçon, tiens. Je les saluai poliment, comme si de rien n’était, et au moment où je me retournai, je l’aperçus.

« On dirait une fable de La Fontaine. Le champignon et la grenouille. Ca sonne bien. », fis-je en m'approchant, un demi-sourire aux lèvres.

Elle était mignonne, dans son costume de champignon, Emma.

Elle était là, à la lisière de la forêt interdite, ramassant quelques branches mortes. Cela faisait depuis le début de la journée qu’elle y pensait. Ce soir allait être son soir. Elle allait avoir le plus beau costume de tous, et le plus important, elle allait s’amuser. Oui tout simplement. Cela faisait tellement longtemps qu’un événement de ce genre n’était pas arrivé à Poudlard, qu’elle allait en profiter. Et tant pis pour le regard des autres. Tant pis si elle allait s’en prendre plein la gueule avec des réflexions désagréables et des rires moqueurs. Rien ne viendra entacher sa joie de vivre. Oh non. Elle avait attendu ça depuis trop longtemps, et elle n’allait pas laisser ces abrutis d’élève lui gâcher son plaisir ! Depuis quelque temps, Daisy n’était que l’ombre d’elle-même. Son sourire s’était effacé, et sa bonne humeur envolée. Les problèmes du monde magique la touchaient tout particulièrement. Mais elle ne pouvait s’arrêter de vivre pour ça. Si le monde magique battait de l’aile, autant en profiter pendant qu’il en était encore temps. Oui, voilà ce qu’elle se disait en ramassant ses branches et ses feuilles. Sa robe, elle l’avait confectionné elle-même. Elle n’aimait pas ces costumes achetés dans le commerce. Ils étaient trop…. Impersonnels.

La jeune fille s’admirait dans le miroir de sa chambre. Sa longue robe blanche tombait parfaitement sur son corps. Le liège entrelacé de part et d’autre du vêtement la faisait ressembler à une de ces nymphes dont les légendes parlent. Pour la première fois de sa vie, elle se sentait jolie. Un sourire illumina son visage. Elle était presque prête. Il ne lui restait plus que la coiffure. D’un simple geste, la Gryffondor se saisit d’un des petits bouts de bois qu’elle avait ramassé un peu plus tôt, et releva sa chevelure en chignon, qu’elle transperça du bâton. Voilà, parfait. Elle pouvait enfin aller se vider la tête. Sa robe flottait au grès du vent alors qu’elle arrivait sur place. La fête d’Halloween. Elle adorait ça. Tout ces gens déguisés, c’était juste splendide. Il y avait de tout : des fées en passant au zombi ou encore… Une grenouille ? Cet amphibien ne lui était pas inconnu.

D’un pas aérien, la jeune fille se rapprocha de ce couple étrange. Elle devait avoir l’air d’une illuminée comme ça, affichant un large sourire. Mais qu’importe, elle s’en moquait éperdument. « Eh Ludwig ! Han, tu l’as choppé où ton déguisement ? Dans la penderie de ton petit frère ? » Cela était devenu un jeu entre les deux élèves, de se taquiner. Il le lui rendait bien également. La nature n’était pas vraiment sa tasse de thé, et il adorait embêter la jeune McBerry sur ce sujet. Ludwig était la seule personne avec qui elle pouvait se permettre de faire. Avec qui elle se sentait assez en confiance pour le faire. Le fait qu’ils aient ennemie commun a probablement aidé. « Nan mais tu fais une magnifique grenouille. Et t’as vu mon costume ? C’est moi qui l’ai fait ! » La jeune fille tourna sur place pour montrer toute la beauté de sa robe. Un petit rire s’échappa de sa gorge. Elle était heureuse, et libre. Comme si rien ne pouvait lui arriver ce soir. « Han Emma j’t’avais pas reconnu ! Vous faites la paire tous les deux ! MA-GNI-FIQUE » Elle embrassa la jeune fille sur la joue avant de s’asseoir sur le sol. Cette soirée allait être d’enfer, elle en était persuadée…

Aussi tentant cela était-il de rester cloitrée dans son dortoir, Aubépine ne pouvait pas briller par son absence à la soirée d’Halloween. Cela faisait un peu plus d’une semaine qu’elle n’avait pas vu ses amis, prenant comme prétexte les évènements étranges qui avaient lieu à Poudlard et qu’elle voulait étudier, alors qu’en réalité, elle les fuyait quelque peu.

Neuf jours étaient passés depuis que Pénélope Courterois lui avait annoncé qu’elle était sa mère. Neuf jours durant lesquels elle n’avait eu de cesse de se torturer mentalement sur ce que cela impliquait. Elle ne pouvait pas se confier à ses amis, sa mère ne le voudrait surement pas – bien qu’elle ne lui ait pas demandé, et ne préférait pas le faire de peur d’obtenir une réponse négative. En bref, si elle ne voulait pas qu’un des enfants perdus devine qu’elle cachait quelque chose, elle devait se présenter à la soirée d’halloween. D’autant plus que tous savaient qu’elle avait commencé à préparer son costume à peine Halloween passé l’année précédente, adorant cette fête qui mettait à l’honneur toutes sortes de créatures surnaturelles, et que malgré tout ce qui s’était passé au cours de l’année qui venait de s’écouler, elle ne pouvait pas ne pas l’avoir fini.

Ainsi, peu avant la soirée, Aubépine, soupirant, ajusta la dernière touche de son costume. Elle avait été s’isoler dans une salle de classe, fermant la porte à l’aide d’un collaporta de sorte que personne n’y entre, ayant amené un miroir de pied qu’elle avait dans son dortoir avec elle afin de vérifier qu’elle mettait bien son costume. Elle n’avait pas choisi une créature effrayante pour la plupart des gens, cette fois-ci… Même si elle souhaitait se costumer en Spectre de la Mort pour mieux le comprendre et comprendre ce par quoi il était passé, elle savait qu’il ne serait pas habile de créer une peur panique parmi les élèves, après tout ce qui avait eu lieu. Non, elle avait choisi une créature bien plus pétillante, bien plus envoutante.

A vrai dire, elle avait recommencé intégralement son costume début septembre, remisant l’autre dans un coin, pensant utiliser celui de Pitiponk qu’elle avait prévu pour une autre soirée. La tragédie qui s’était passée au lac l’avait aiguillée sur cette voie, et convaincue : elle serait une sirène si resplendissante que nul ne pourrait ignorer le triste sort des ces pauvres êtres de l’eau. Elle portait un haut de maillot bleu, qu’elle avait cousu en forme de coquillage, assorti au bas de son costume qui était en fait une jupe bleue dont le bas était cousu de manière à ressembler à une queue de sirène et à masquer ses pieds, tout en lui laissant la possibilité de marcher.

Mais le côté spectaculaire de son costume ne venait pas du fait qu’il était particulièrement bien cousu, non. Aubépine, dans son souhait de rendre son costume le plus marquant possible, avait entièrement recouvert les deux parties de celui-ci de breloques en plastique réfléchissant la lumière, de toutes les couleurs. Ainsi, le tissu bleu ne se voyait quasiment plus, laissant place à un océan de couleur miroitant de tout côté à l’aide des nombreuses chandelles et lumières se trouvant dans le château. Ayant tout fait à la manière moldue, Aubépine était particulièrement fière du rendu, ne s’attendant pas à le réussir aussi bien. Il ne lui restait que l’ultime touche qu’elle était en train de fixer : un diadème, très semblable à celui de Rowena Serdaigle. Même si la sinistre réputation qui l’entourait n’échappait pas à Aubépine, elle avait toujours trouvé les représentations de ce dernier qu’elle avait vues splendide, et elle ne s’attardait pas à des choses aussi futiles qu’une réputation, qui n’avait probablement aucun sens. Elle avait aussi confectionné une étole en forme d’algue, pour se tenir chaud si besoin était, tout en restant dans l’esprit de son costume. Elle la posa négligemment sur ses épaules, celle-ci glissant imperceptiblement le long de son bras droit, lui donnant un petit air négligé.

Aubépine soupira, à nouveau. Il était tant d’aller prendre l’air, au lieu de s’enfermer dans ses continuelles interrogations concernant sa mère, les désagréments qui arrivaient à de nombreuses créatures et attristaient Aubépine, et sur la capacité à revivre une vie normale, sans regarder craintivement sans cesse par-dessus son épaule. Car oui, même si la jeune fille ne se l’avouait pas, elle était énormément inquiète des malheurs qui pourraient leur arriver… bien qu’elle conserve sa joie de vivre et son optimisme à toute épreuve, cette peur était bien ancrée en elle, à son insu.

Elle rouvrit donc la porte de la salle de classe à l’aide d’un alohomora, renvoya son miroir dans le dortoir à l’aide d’un wingardium leviosa - en priant pour qu’il ne se brise pas en entrant en collision avec quoi ou qui que ce soit au passage -, et prit la direction de Pré-au-lard doucement, seule, ne sachant pas bien si ses amis étaient partis ou non. Involontairement, un sourire éclaira son visage, alors qu’elle s’approchait du lieu de la fête et entendait la musique qui résonnait. Grindelwald attendrait, pour qu’elle se questionne encore sur tout ce qui la tracassait ! Aussitôt que cette pensée lui effleura l’esprit, Aubépine s’arrêta, confuse. Elle ne savait rien de la vie de Grindelwald, si ce n’est qu’il avait effectué quelques actes horribles dans celle-ci, et peut-être jugeait-elle trop attentivement. Elle était sûre que, s’il avait eu un ami sincère et aimant pour le raisonner, il n’aurait jamais fait ça. Il ne méritait pas que son nom soit utilisé de cette manière, qu’il soit sali ainsi. Même s’il avait fait de terribles choses, il avait le droit au repos dans sa mort, durant laquelle il s’était peut-être repenti.

Elle haussa cependant les épaules, encore quelque peu honteuse mais bien décidé à profiter de la soirée à laquelle elle ne pouvait pas ne pas assister, et s’avança dans la salle, bien remplie, bien trop remplie. Elle n’avait jamais vraiment apprécié les foules, l’air venant souvent à lui manquer dans celles-ci, en raison de son asthme. Elle se força à respirer calmement et entra, bien décidée à foncer tout droit jusqu’au buffet, où la concentration humaine serait peut-être moindre et l’air peut-être plus respirable que sur la grande piste de danse. Alors qu’elle y allait d’un pas vif, elle vit l’un de ses plus chers amis, Ludwig… déguisé en grenouille, et en compagnie d’Emma et Daisy. Elle bifurqua donc, et s’approcha d’eux.

« Salut les filles ! Elle leur sourit, ravie de les voir. Luluuuuu ! T’es beau en grenouille !! J’aime trop ton costume ! On échange, hein, dis ? Tu serais beau en sirène, et moi trop mignonne en grenouille ! »

Elle avait oublié les soucis qui la tracassaient, pour le moment du moins, sitôt qu’elle avait vu Ludwig dans son costume grenouille. De même, elle n’avait pas du tout saisi l’ironie du costume – ou peut-être préférait-elle laisser son âme d’enfant prendre le dessus, et aussi réconforter Ludwig dont elle savait au fond d’elle qu’il passait pour ridicule dans un tel costume -, pas plus que les regards interloqués que les gens lui lançaient, tant pour la beauté de son propre costume que l’absurdité de ses propos quant au fait qu’ils échangent de costume, Ludwig et elle. Elle accompagna ses paroles d’un rire cristallin, se disant intérieurement que quoi qu’il puisse lui arriver, elle n’aurait rien de plus précieux au monde que ses amis et sa famille.

Elle n'aimait pas spécialement les fêtes.
Mais c'était Halloween.
Elle avait toujours envié ses cousins pour cette possibilité fabuleuse de pouvoir fêter Halloween et se déguiser, et bien que maintenant elle était une femme d'un âge auquel se déguiser n'était pas toujours bien vu... ça ne l'avait pas quitté. Le jeu, le déguisement, se transformer le temps d'une nuit. Puis, ils étaient des sorciers, pourquoi se priver ? Varvara n'en avait pas fait part à ses collègues de travail, mais lorsque des volontaires avaient été demandés pour chaperonner la petite fête de Pré-au-Lard, elle avait attentivement guetté pour savoir qui allait lever la main. Un regard avec Jeremiah et ils s'étaient proposés de concert.
Parce qu'il n'était pas question qu'elle surveille ces idiots toute seule, surtout déguisée.
Pour le coup, elle avait évité d'enfiler un costume trop ridicule – pas comme celle déguisée en champignon et l'autre en grenouille. Non, elle était en Jocunda Sykes, soit la première sorcière a avoir traversé l'Atlantique sur un balai. Son balai soigneusement attaché dans son dos, un casque de cuir sur la tête, ses boucles indisciplinées attachées en une épaisse tresse qui tombait sur son épaule, de larges lunettes de vol sur son casque, des vêtements un peu bouffant et on y était. Et puis, elle était en pantalon, et c'était le premier critère d'un costume, dans son cas. Enfin, le deuxième après la crédibilité. Une chope de Bièraubeurre à la main, elle observa Jeremiah qui venait d'aller se resservir de ce même breuvage. « Attends, j'ai quelque chose pour nous. » Elle plongea la main dans le sac de cuir qu'elle portait en bandoulière et en ressortit une flasque avec un sourire victorieux. « Rhum épicé. Il se marie très bien à la Bièraubeurre, j'ai déjà essayé. » Elle se pencha un peu pour cacher ses gestes alors qu'elle ouvrait la flasque pour en verser une généreuse rasade dans la choppe de Jeremiah, puis dans la sienne. Bon, après, que des élèves la voient faire était le cadet de ses soucis, mais il fallait au moins faire semblant de se cacher un tantinet. De là où elle était, elle avait quand même vu Leo, déguisé en Nick-Quasi-Sans-Tête, rouler des yeux avant d'aller rejoindre ses amis. « Et taratata, on ne proteste pas, c'est Halloween. À la tienne ! »

La salve de feux d'artifices la fit sursauter, et presque échapper sa chope en plus, et elle repéra tout de suite les possibles fauteurs de troubles. En tous cas, à voir la tête que faisait le Petit Chaperon Rouge, elle ferait une parfaite suspecte. La Pritchard était prête à confier son breuvage à Jeremiah pour aller regarder la chaperonnée de haut que subitement, toutes les citrouilles se mirent à tomber. Et vu qu'ils en avaient au-dessus de leurs têtes, elle eut seulement le temps de tirer le professeur de Défense contre les Forces du Mal vers elle pour ne pas qu'il se fasse écraser. Silence. Des chuchotements. Un geste de la main et une flamme apparu au creux de sa paume, éclairant son visage sur lequel naissait un sourire sardonique. « Avoir encore peur du noir à cet âge, c'est d'une tristesse. » Sa voix rauque avait percé le silence, s'adressant à son collègue.

Halloween. Cette fête, emblématique pour les sorciers, était régulièrement synonyme de plan pourri au fil des années. L'année dernière, Avdotia avait passé la soirée avec son frère et meilleur ami, à boire de la Vodka Sang de Dragon en se racontant et en se rappelant les pires frousses qu'ils avaient pu avoir, notamment se retrouver fiancés dans leur prime jeunesse. Désormais, depuis de récents sombres événements, Avdotia avait dû se convaincre qu'elle serait seule. Et il avait fallu qu'elle trouve une occupation. Alors, bien que Varvara et Jeremiah se soient déjà proposés comme chaperons pour la fête d'Halloween, Senka et Pénélope s'ajoutèrent en levant doucement la main en même temps, après avoir échangé un regard entendu. Résultat, elles s'étaient rendues ensemble à Pré-au-Lard et Senka avait pu copieusement pester sur cette manie de vouloir se déguiser, en râlant qu'elle allait finir par ne plus savoir qui elle était. Elle s'était grimée pour la soirée en Artemisia Lufkin, la première sorcière Ministre de la Magie. Vieillissant son apparence avec du maquillage Moldu, elle n'avait pas l'air trop vieille non plus, et elle était reconnaissable.

Elle était donc en train de déambuler tranquillement lorsque le chaos éclata. Qui était les abrutis qui avait fait cela, elle se demandait bien. Une citrouille s'était écrasée à ses pieds, sans la toucher, mais en la frôlant juste. Merlin qu'elle aimait ses réflexes acquis au cours de nombreuses missions pour la Mafia Sorcière. Elle avait saisi sa baguette immédiatement, prête à parer une quelconque attaque. Les professeurs présents avaient réagi. Varvara, Jeremiah & Pénélope. Tout allait plutôt moyennement bien. Lançant elle-même un Lumos Solem, elle restait sur ses gardes. Et elle finit par hausser le ton, histoire que tout rentre au plus vite dans le calme.

« Préfets, rassemblez sur le champ vos camarades ! Exercice d'évacuation, MAINTENANT ! »

À vrai dire, elle ne savait pas si c'était la bonne solution. Mais ils étaient plusieurs enseignants compétents, dont les deux professeurs de Défense contre les Forces du Mal, la directrice de Beauxbâtons et -même si ça lui faisait mal de le reconnaître- une personne compétente et efficace qu'était Varvara Pritchard.

S'approchant justement de ses collègues, elle prit rapidement la parole, sans perdre de temps en conjecture.

« Si c'est une plaisanterie, ça se calmera vite. Si c'est autre chose, mieux vaut vider les lieux, plutôt que rester sous un plafond aussi épais. Les journaux ont assez longtemps parlé de l'attentat de Sainte-Mangouste pour risquer une deuxième fois la même chose. Je m'occupe des Serdaigle, répartissez-vous les autres maisons. »

Pour avoir été ensevelie pendant un moment sous les décombres de Sainte-Mangouste et n'avoir tenu que parce que Matvei était avec elle, elle ne voulait pas réitérer l'expérience. Elle espérait que les autres se rangeraient à sa présence d'esprit. Évacuer les lieux, avant que le ciel ne leur tombe sur la tête. Non, vraiment, depuis quelque temps, Avdotia ne croyait plus du tout à la thèse d'une plaisanterie, et encore moins à Halloween.